Notre santé demain, c’est déjà aujourd’hui !

Selon un sondage récent de la Tribune de Genève, les Genevois ne semblent pas inquiets pour leur santé, et c’est tant mieux. Ils semblent satisfaits de leur politique cantonale et ne pensent pas que la santé soit un thème prioritaire, c’est là un point de vue plus risqué ! Genève « surfe » encore sur la vague des choix importants, effectués il y a plus de vingt ans, et qui ont longtemps mis le canton à l’avant-garde des politiques de la santé en Suisse. Aujourd’hui, nous devons agir et le dire à voix haute, au risque de perdre la qualité et l’innovation qui ont fait la fierté de notre système de santé.

Parmi les actions visionnaires, nous avons certes opté, au début des années nonante, pour des soins à domicile développés, permettant à chacune et à chacun de rester à la maison, si possible, jusqu’à la fin de sa vie. Et nous avons effectivement le taux de places en EMS le plus bas de Suisse. Nous avons développé une culture des soins palliatifs qui a permis d’aborder les questions de fin de vie, de douleur et de la mort de manière à la fois scientifique et humaniste. Nous avons encore mis en place un registre des tumeurs qui permet de mieux savoir où nous en sommes et de cibler nos actions, là où elles sont nécessaires, comme pour le cancer du sein.

Mais comme chacun le sait, la population vieillit sous l’effet de l’augmentation de la durée de vie. Elle est en meilleure santé, mais avec l’allongement de la vie, c’est la prise en charge des maladies chroniques et de la complexité qui iront en augmentant. Une très récente étude sur la situation du personnel des EMS en Suisse montre qu’aujourd’hui déjà, plus de 50% des personnes âgées en EMS souffrent de démences. Pour faire face à l’augmentation des coûts de la santé, il s’agit non pas de couper les prestations, mais d’investir aux bons endroits au niveau cantonal, tout en augmentant la transparence du fonctionnement de l’assurance maladie et en rationalisant sa gestion au niveau national dans une caisse publique.

Nous étions en avance, et nous commençons déjà à être en retard ! Le maintien à domicile a un prix que les assurances ont commencé à refuser de payer. En ayant opposé domicile et EMS, en ayant empêché les EMS de développer des structures alternatives, comme les foyers de jour, en ayant fermé leur unités d’accueil temporaires, en ayant tout simplement omis de développer des formes d’habitat «encadré » ou adapté, Genève, contrairement aux autres cantons en Suisse a pris du retard. Et le manque d’alternatives entre le maintien à domicile et l’EMS, d’offres de transition permanente ou temporaires, est criant.

Dans le domaine de la psychiatrie, les réflexions se sont arrêtées, il y a plus de dix ans, et il n’y a de ce fait, aujourd’hui, pas d’alternative réelle à l’hospitalisation. Ceci alors que tant les personnes concernées que les HUG – dont la tendance est à la diminution des durées d’hospitalisation –  veulent pouvoir disposer d’offres ambulatoires et de lieux de vie et de soins intégrés dans la communauté.

Les HUG seraient, quant à eux, calibrés pour servir une population d’un million d’habitants. Or Genève en compte à peine un demi-million, et nos voisins français sont à la fois en train de récupérer leurs assurés et de développer leurs propres hôpitaux dans la région.

Enfin, Genève dépend largement de son voisin français pour son personnel de santé, alors que la France, comme toute l’Europe a besoin, elle aussi, de compétences. Si demain elle assortit la formation de ses jeunes de conditions de travail en France, nous devrons affronter une pénurie de personnel grave.

Le système de santé réagit lentement, il faut donc agir aujourd’hui : par exemple

  •  investir en matière de prévention que ce soit dans la communauté ou dans les institutions pour personnes âgées et pour personnes handicapées;
  •  soutenir les proches aidants de personnes gravement malades, en situation de handicap ou âgées ;
  • promouvoir la place du médecin généraliste et des réseaux de santé locaux ;
  •  développer des formes d’habitat sécurisé et accompagné ;
  • rendre le travail dans la santé attractif pour les jeunes dans tous les métiers et à tous les niveaux, et dans ce sens, être les « leaders » en Suisse-romande de la mise en place d’une filière tertiaire ES dans les soins infirmiers ;
  • inscrire la santé dans le Grand Genève et oser la discussion sur l’avenir des HUG pour conserver un hôpital universitaire performant et attractif, tant pour le personnel que les patients.

En d’autres mots, il faut innover, écouter et prendre appui sur le réseau d’acteurs pour remettre en route une dynamique dans les domaines complémentaires que sont la santé et le social, et les considérer, de plus, comme indissociables pour l’accompagnement global des personnes.

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