Rassemblement des artistes et acteurs culturels (RAAC)

QUESTION 1 : La culture participe au débat démocratique de notre canton et reflète, dans toutes ses formes d’expression, sa vitalité artistique. Représente-t-elle également à vos yeux, un enjeu économique pour Genève ?

Oui, dans la mesure où une offre culturelle de qualité et diversifiée est aussi un atout sur le plan touristique. N’oublions pas également que ce qui fait l’attrait de Genève pour bien des entreprises qui s’y implantent, c’est aussi la qualité de son offre culturelle (musées, théâtres, etc.). De fait, l’investissement culturel contribue à dynamiser économiquement notre région.

QUESTION 2 : La culture vous paraît-elle pouvoir contribuer concrètement à façonner l’identité du Grand Genève ? Si oui comment, et avec quels types d’initiatives ?

Oui. On le constate déjà par le fait que le public passe volontiers la frontière, dans un sens comme dans l’autre. C’est d’ailleurs aussi le cas pour les artistes. A titre d’exemple, Bonlieu Annecy a coproduit des artistes genevois et est, par exemple, partenaire de Saint-Gervais et de l’ADC. Cette dernière propose même des voyages en car avec en-cas pour aller découvrir des spectacles de l’autre côté de la frontière ! Les échanges entre lieux culturels, artistes et publics sont donc déjà une réalité, mais ils pourraient encore être développés (échanges scolaires vers la France, par exemple). Le projet de Nouvelle Comédie est d’ailleurs emblématique du Grand Genève, puisque ce théâtre doit se construire aux Eaux-Vives à proximité de la future gare du CEVA !

QUESTION 3 : La nouvelle loi sur la culture votée par le Grand Conseil ce printemps donne à l’Etat l’opportunité de s’investir d’avantage dans le champ culturel. Pour concrétiser ce pas historique, quelle évolution souhaitez-vous donner à la politique culturelle du Canton lors de cette prochaine législature ?

Les enjeux principaux à concrétiser sont les rénovations et le développement des infrastructures culturelles genevoises, l’engagement financier du canton ainsi que sa capacité à travailler en concertation avec les communes et tous les acteurs culturels de la région. La mise en place du Conseil consultatif de la culture et la création d’espaces de travail sont aussi importants. Il faudra également mener une réflexion autour du PAV (projet Praille-Acacias-Vernets) avec les communes concernées : que veut-on pour ce nouveau quartier en matière culturelle ? Il sera important également de développer les conventions de subventionnement canton-communes. En fait, le canton devrait devenir une sorte de facilitateur capable de construire des projets en partenariat avec les communes et les acteurs culturels. Enfin, n’oublions pas la question des intermittents : en ce sens, la mise en application de l’article 12 de la loi sur la culture sur la prévoyance sociale sera importante.

QUESTION 4 : Est-ce que le futur « Conseil Consultatif de la Culture » inscrit dans la loi vous semble être un outil prometteur pour coordonner les politiques culturelles entre l’acteur historique en la matière, la Ville de Genève, les Communes, le Canton et les milieux culturels ?

Il devrait surtout être un outil de concertation pour définir la politique culturelle du canton.

QUESTION 5 : Est-ce que selon vous la culture doit jouer un rôle dans la requalification urbaine du PAV ? Si oui, quelle place lui attribueriez-vous et quelles infrastructures culturelles devraient y être privilégiées ? Par ailleurs, quel mode de financement vous semble adéquat pour les réaliser ?

Il est impératif de penser tout nouveau quartier dans sa globalité (pas seulement en termes de logements ou d’emplois). Les espaces publics comme les lieux culturels sont importants. Parmi les infrastructures culturelles à privilégier, on pourrait, par exemple, reprendre la réflexion autour de la Maison de la Danse. Il faut aussi penser aux lieux de vie culturelle nocturne et aux lieux alternatifs. Dans le même secteur, se pose aussi la reconversion de la Caserne des Vernets et une association s’est constituée pour y développer des lieux culturels alternatifs (ARV). Pour le financement, il faudra que les collectivités publiques concernées se concertent (Canton, Ville de Genève, Carouge, Lancy). Les partenariats public-privé peuvent aussi être envisagés, à l’instar de ce qui est prévu pour le MAH.

QUESTIONS 6 : Dans une perspective de baisse programmée de recettes fiscales de la Ville de Genève, pensez-vous que le Canton doive investir dès cette législature dans les projets de grandes infrastructures culturelles comme la Nouvelle Comédie, la rénovation du MAH, ou la rénovation Grand Théâtre ?

Rien n’est encore décidé en matière de péréquation et il faudra bien, le cas échéant, envisager des mécanismes de compensation pour les « villes-centres ». Cela dit, la question d’une éventuelle baisse des recettes fiscales ne concerne pas que la Ville de Genève, mais aussi le canton (réforme de la fiscalité des entreprises)… Il se peut donc qu’il y ait aussi des choix à faire pour le canton en matière d’investissements  (et il le fait déjà maintenant en reportant certains d’entre eux)! Or, il est important (voir questions 1 et 3) que le canton investisse aussi dans les infrastructures culturelles. Et ce d’autant plus que reporter des investissements finira toujours par coûter plus cher à terme !

Il est aussi nécessaire de rappeler que les baisses d’impôts sont la résultante de choix politiques et qu’elles sont préconisées par certains partis et milieux, mais pas par l’ensemble de la classe politique. Depuis 1999, on estime que les différentes baisses d’impôts successives privent le canton d’un milliard de francs chaque année ! De surcroît, il faut rappeler que lors des dernières discussions budgétaires, le PLR, le MCG et l’UDC ont voulu baisser fortement les aides ponctuelles à la culture, aux compagnies indépendantes et à la diffusion. Si les montants en question ont finalement été sauvés, c’est grâce à l’accord global sur le budget négocié avec le Conseil d’Etat. En période électorale, il serait bon de s’en rappeler !

QUESTION 7 : Une partie du Conseil Municipal semble vouloir prioriser le financement de la rénovation du Grand-Théâtre au détriment de celui de la Nouvelle Comédie et du Pavillon de la danse, dont les réalisations pourraient être reportées. Pour justifier son annonce du report de la construction de la Nouvelle Comédie, le Conseil Administratif a argumenté que l’investissement de l’Etat sur ce projet ne pourra être débloqué qu’en 2018 et que la Ville devait donc attendre. Une réflexion commune entre l’Etat et la Ville de Genève sur l’ensemble des grands investissements à venir ne permettrait-elle pas d’éviter ce report qui semble une aberration urbanistique ? En effet comment imaginer l’inauguration de la gare CEVA des Eaux-Vives sans la Nouvelle Comédie, infrastructure qui lui est symboliquement associée ? Ce report vous paraît-il judicieux, irréversible ? En d’autres mots ne pensez-vous pas que le Grand Conseil devrait débattre de ce problème avant la décision définitive ce report ?

Comme je l’ai dit précédemment (question 3), le canton doit jouer un rôle de facilitateur capable de construire des projets en partenariat avec les communes et les acteurs culturels. Il serait donc impensable qu’il n’y ait pas de réflexion commune. A ce propos, il faut saluer le travail entrepris sous l’égide des deux magistrats concernés. Ce serait fort regrettable de reporter la Nouvelle Comédie, d’autant plus qu’elle est liée aux travaux du CEVA ! Le canton doit donc concrétiser les engagements qu’il a pris !

 

Anne Emery-Torracinta, octobre 2013

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